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Projets de l'année 2004-2005 : les réactions des élèves

Un temps d'échange et de discussion s'impose généralement au retour du voyage d’étude pour donner la parole aux élèves. Le passage par l'écrit est aussi un moyen d'exprimer sentiments et réflexions personnelles. Rédigés spontanément ou à la demande des professeurs, les textes des lycéens témoignent de l'’impact du voyage et de la rencontre avec les anciens déportés.

Impression de voyage

Entretenir ce passé, c’est avancer vers l’avenir…

Transmettre cette douloureuse histoire, c’est quitter Hier, c’est vivre Aujourd’hui, c’est songer à Demain…

Pour ne pas oublier

Pour ne pas nier

Pour ne pas ignorer

Pour commémorer

Pour admettre

Pour savoir

Se souvenir d’Auschwitz et du reste…

Nous avons suivi la route interminable des rails.

Nous n’en avons pas tout de suite vu la fin.

On ne la voit pas tout de suite cette fin.

Ils semblent aller jusqu’à l’infini ces rails.

Nous avons suivi le chemin des déportés d’Auschwitz…

Les latrines sont toujours là.

Si l’on peut appeler ces trous béants et collés les uns aux autres des « latrines ». Servaient-ils vraiment à des hommes ? La proximité aberrante reliant un trou à l’autre laisse dans ces lieux une certaine bestialité. Ils n’ont même pas pris la peine de détacher du mur les anneaux qui, dans cette ancienne étable, servaient à attacher le bétail. Ils sont toujours là, et ont dû rappeler chaque fois aux déportés la condition à laquelle on les rangeait…

Aujourd’hui à Auschwitz, il fait froid, très froid mais il fait beau.

Curieusement aujourd’hui, Auschwitz n’est pas noir, il ne neige pas comme dans les films.

Il fait beau.

En ont-ils connu des jours comme celui-ci, ensoleillés et témoins de la douceur de la vie ? Combien ont alors désespéré de ne plus en profiter libres ? Combien au contraire, ont ainsi repris courage quelque temps encore, se disant que cela finirait bientôt ?

Au fond du camp, il y a les ruines des fours crématoires et des chambres à gaz détruits par les nazis. Il ne reste, de chaque côté du monument dédié aux victimes, qu’un amoncellement de briques, qui semblent encore fumantes.

Sur ces ruines, une rose.

C’est un beau message que cette rose ici. Un message silencieux de quelqu’un qui a vu, qui a essayé de comprendre, qui leur dit au revoir peut-être à ces gens qui sont morts là où gisent ces traces de l’horreur passée…

Arbeit macht frei.

Nous la voyons enfin cette pancarte. Le travail rend libre. Etaient-ils vraiment libres les hommes d’Auschwitz ? Les déportés prisonniers de leur propre mort, leurs bourreaux de leur propre folie…

La place de l’appel est toujours là. Le mur des exécutions aussi. Il reste même la potence, noire, dressée, sinistre où le Dernier est mort.

Il est aujourd’hui à Auschwitz, un mur couvert de photographies. Ce sourire espiègle du petit garçon, le frère et la sœur qui se tiennent par la main le temps d’un cliché, ces poses d’enfants sages, ces portraits de famille, ces embrassades, ces amis insouciants, ce sont des clins d’œil à la Vie… Ce sont des regards humains, des gestes humains, d’hommes libres et en paix.

Alors pourquoi eux ?

Qu’ont-ils de différents ces gens ?

Qu’avait-on de plus qu’eux ?

Qu’avaient-ils de moins que nous ?

Ces photos sur le grand mur noir sont mille fois plus émouvantes que la vision des cadavres ou des fours crématoires car elles sont les preuves de l’absurdité de l’œuvre nazie, elles reflètent cette entreprise inimaginable pour tout être humain digne du nom d’Homme.

Ce qu’il reste de cette folie meurtrière,

c’est cet amas de chaussures, usées et percées de toutes parts,

c’est cet océan de chevelures vieillies et décolorées par le temps,

c’est cet amoncellement de béquilles tordues

mais aussi ces dents arrachées, ces peignes ébréchés, ces lunettes rouillées et ces valises où sont encore nettement visibles, soigneusement écrits en grands caractères les noms d’innombrables familles qui ne sont plus là…

On ne peut pas pleurer à Auschwitz. La peine, la désolation que l’on ressent va au-delà des larmes.

La première chambre à gaz, mise en service à Auschwitz est le dernier des lieux qu’il faut visiter.

C’est d’abord cette pièce obscure, froide et totalement nue.

En haut, l’ouverture par où le gaz arrivait. […]Puis il y a cette pièce noire, qu’éclairent seulement les cierges qui sont laissés là.

Le message que nous aurons laissé, ce sont ces lueurs qui brillent dans ce noir total de la première chambre à gaz d’Auschwitz.

Maintenant il y a ce chant.

Un chant très grave, très doux, très profond aussi. Les hommes qui chantent sont juifs. Ils sont venus à Auschwitz et ils prient, debout, se balançant d’avant en arrière, berçant leur douleur la torah dans les mains… Derrière eux il y a les fours crématoires, éclairés par les bougies. Ces lueurs-ci font peur. Elles sont pour nous, qui n’avons pas vécu ce passé, comme le feu dévorant du four crématoire. Mais elles soulagent et apaisent aussi, car elles sont l’au revoir à ces millions de morts dont nous ne pourrons jamais faire le deuil…

On ne peut pas pleurer à Auschwitz. La peine, la désolation que l’on ressent va au-delà des larmes.

Nous n’avons pas vu l’innommable, nous avons vu ce qu’il a laissé…

Le visage de cet homme est grave.

Quand il parle, un silence religieux l’écoute.

Cet homme est revenu d’Auschwitz, il raconte.

Il souffre cet homme, il est fatigué.

On a touché à sa dignité, voulu lui arracher son humanité…

Il est là pour dire l’indicible, pour témoigner de l’impensable.

S’attend-il à ce que nous comprenions ?

Ou veut-il seulement nous faire comprendre que tout cela est de l’ordre de l’incompréhensible ?

Il souffrira toujours cet homme…

La blessure qui s’est ouverte en lui ne cicatrisera jamais,

Il la ravive même, en portant sur ses épaules le lourd fardeau,

De celui qui témoigne,

De celui qui transmet,

De celui qui entretient ce souvenir.

La blessure qui s’est ouverte en nous n’est pas aussi profonde, ni d’une douleur aussi vive,

Mais elle est là…

Il faut la raviver même, en le relayant lui et les autres, en prenant ce même fardeau,

De ceux qui témoignent,

De ceux qui transmettent,

De ceux qui entretiennent ce souvenir,

Au nom de ce que nous avons vu Auschwitz…

Samanta Barot, 1e L, Lycée du Cheylard (07), avril 2005

Il y a des endroits que l’on n’aimerait jamais avoir à visiter. Des endroits synonymes de barbarie, témoignage d’un passé récent que l’on aimerait oublier. Auschwitz fait partie de ces endroits, de ces moments de notre histoire qui resteront à jamais gravés dans nos mémoires.

Et encore, nous ne sommes que des visiteurs. Nous ne sommes présents dans ce camp que pour essayer de comprendre l’incompréhensible, pour essayer d’imaginer l’inimaginable. Des témoins ont survécu à cet enfer, nous, nous ne faisons que passer.

Auschwitz est une sorte de miroir déformant : en observant ce qu’il reste, en écoutant les témoignages des rescapés, on en vient à se demander ce que l’on aurait fait nous-mêmes dans cette situation là, si on avait été Allemand, Juif ou Résistant… Aurions-nous laissé faire ? Aurions-nous agi pour ou contre ? Serions-nous restés impassibles ?

Pendant le voyage, on ne ressent pas vraiment. On déambule, on emmagasine les paroles, on questionne, on se surprend même à rire avec le témoin. C’est au retour qu’images et mots forment cet ensemble forcément émotionnel parce qu’aucun écrit n’est identique à un autre, parce qu’il y a eu ce contact, ce témoignage et cet homme ou cette femme qui nous a livré une partie de ses souvenirs. Je me demande d’ailleurs si la force émotionnelle n’est pas, dans le cas d’Auschwitz, issue du regard intrigué que l’on a sur le témoin : Comment est-ce possible de survivre à Auschwitz ?

Au sortir d’une telle journée, les images se bousculent et progressivement le lien s’établit entre l’imagination, la connaissance et le lieu visité. Le temps travaille et fait surgir des questions qui paraissent ne pas avoir de réponses : Comment un homme peut-il faire subir cela à un autre homme ? Comment un seul homme peut-il réveiller le « monstre » qui se cache en nous ?

Le musée est vraiment quelque chose de figé. Le sentiment du moment est un mélange de honte et de torpeur, honte d’être un voyeur, simple visiteur souvent sans émotion forte, impassible d’un endroit à un autre, car chaque mètre nous dévoile l’impossible. Il y a donc un mélange de déception par rapport à ce sentiment mais le malaise est bien là, en repensant que d’autres personnes ont ici disparues un jour sans comprendre où elles étaient arrivées.

Auschwitz est un passage obligé lorsqu’on se rend en Pologne. Le « plus jamais ça » trop souvent galvaudé prend ici son véritable sens.

Romy (15 ans) – Centre animation jeunesse de Talence (33)

6 AVRIL 2005...

Je pars à 3h, fatiguée d'avoir veillé jusque là dans une totale impatience ; cette phrase récurrente me hante l'esprit " Il n'y a rien à voir à Auschwitz ", renforcée par cette peur de rester insensible aux décombres de ce massacre. Je fais mes premiers pas dans Birkenau ; lieu qui me laisse sans voix alors qu'il y aurait tant à dire mon savoir et mon imagination complètent ma vision de cet espace indéfinissable et cette succession d'images horribles me noue le coeur.

Jules, sur ces rails qu'il a traversés dans la terreur, nous raconte avec la force qui lui reste, son passé, qu'à peine nous pouvons comprendre dans ce monde où tout nous est offert. Alors l'émotion, la rage, la haine, la souffrance, se mêlent à son discours, sans réminiscence, ses souvenirs ineffables se lisent dans son regard, et nous, adolescents, adultes, tout simplement êtres humains du XXIème siècle, unis dans la compassion et la douleur, comprenons qu'à Auschwitz il y a tout eu : la vie, le mal, la mort...et chacun réagit comme il le peut, un sanglot, une tête baissée, une mise à l'écart ou même un semblant d'impassibilité...

Et moi, éprouvée en profondeur par ce témoignage poignant qui sort des tripes, je regarde Jules, ce déporté, petit, un peu boiteux, drôle d'apparence, et je laisse mon esprit concevoir ce qu'il n'a jamais voulu concevoir : ma mère, ma soeur, mon père, rasés, violentés, entassés dans ces chambres à gaz, transportés vers des fours crématoires qui réduiront leur corps à des " poussières " sur lesquelles d'autres marcheront, comme nous-même l'avons fait inconsciemment. Puis, face à cette réalité incontestable, qui a dépassé nos doutes antérieurs, que certains tentent de nier, qui en indiffère d'autres, l'expérience de partage et d'humanité a effacé toutes nos différences et a rapproché des êtres liés par un choc émotionnel... (…)

"Je suis le passé, vous êtes l'avenir ", tel a été le dernier mot de Jules, conscient d'être une des rares traces de cette tragédie et fier de nous transmettre le flambeau, que nous tiendrons avec passion pour lui, pour ceux qui sont morts, pour nous, et pour ceux qui naîtront...

Erika, élève de 1ère L, lycée Maine de Biran, Bergerac (24)

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