Alain Resnais, Nuit et Brouillard, 1955.


= 1er documentaire français sur les camps .

Est composé :
- d’images en noir et blanc qui sont des archives de guerre : soit des archives nazies (beaucoup de photos fixes), soit des archives des armées alliées qui ont ouvert les camps en 1945.
- d’images en couleurs tournées en 1955 à Auschwitz.
Le commentaire a été écrit par le romancier et ancien déporté Jean Cayrol, et est dit par l’acteur Michel Bouquet.

Ce documentaire a beaucoup marqué après une période de 10 ans de mutisme sur le sujet. Ce mutisme peut s ‘expliquer par :
- la volonté d’oublier la souffrance, de reconstruire sur de nouvelles bases
- la peur des rescapés des camps de ne pas être crus sur l’ampleur des persécutions subies.
Puis ce documentaire a été utilisé dans les lycées , surtout dans les années 1970, pour permettre une prise de conscience par les jeunes, ainsi que pour lutter contre le révisionnisme (le fait d’essayer d’amoindrir l’ampleur du génocide) et le négationnisme (ex : en 1978, Louis Darquier de Pellepoix, ancien commissaire aux questions juives sous Vichy, nie l’existence des chambres à gaz).
=> il s’agit de montrer la réalité des camps.

Alain Resnais insiste sur plusieurs aspects du génocide :
- la déshumanisation subie par les déportés
- l’utilisation de méthodes industrielles pour tuer : appel à la technique, à la science pour tuer massivement : « la logique » mise au service de la folie meurtrière... Environ 2,7 millions de victimes dans les camps d’extermination entre la fin de l’année 1941 et 1944 / plus d’1 million de victimes à Auschwitz / presque 6 millions de juifs morts pendant la guerre.
=> un film fort.

Mais dans les années 1950, on manque encore de recul et surtout d’analyses historiques rigoureuses. Dans ce documentaire, la spécificité du génocide juif n’est pas bien prise en compte :
- différents types de déportés mis sur le même plan.
- Différents types de camps juxtaposés sans explication claire : camps de transit, camps de concentration, camps d’extermination.
Par ailleurs, ce film a été soumis à la commission de censure française, qui a imposé à Resnais de retirer l’image d’un policier français devant le camp de Pithiviers. Cette censure montre que l’on accepte de montrer la réalité des camps, mais pas encore la collaboration de la France de Vichy dans la déportation.
Enfin, ce film a été retiré de la compétition officielle de Cannes sous pression de l’ambassade allemande de France, car l’Allemagne ne veut pas remettre en question le début de rapprochement franco-allemand dans les années 50 (CECA…). Elle a peur que ces images accablantes nuisent à la réconciliation.

Ce film est lui-même objet de mémoire : il transmet une mémoire très forte, mais en même temps encore sélective, soumise à une censure partielle.