Monsieur Lehrer, ancien déporté d’Auschwitz.


• 6 avril 1920: naissance à Montmartre.
•juillet 1942 : part pour rejoindre la zone libre, après avoir appris l’organisation d’une grande rafle à Paris.
• 26 novembre 1943 : arrêter à Toulouse.
•16 décembre 1943: interné dans le camp de transition de Drancy.
•.20 janvier 1944 : départ pour Auschwitz.
•8 mai 1945 : libéré après avoir été transféré dans différents camps (Buchenwald, Sonneberg), il est libéré par les soldats américains.


Comment s’est déroulé votre transfert à Drancy ?

Léon Lehrer : J’étais à Toulouse, lorsque l' on m’a dénoncé comme juif non-déclaré. A cinq heures l' on frappe, j’ouvre, deux malabars se présentent : « nous sommes de la milice française ». Nous [sa sœur et lui] sommes envoyés à Paris puis à Drancy. Le lendemain de notre arrivée, ma sœur enceinte parti pour Auschwitz où elle fut réduite en fumée. Le vingt janvier 1944, j’y partais à mon tour.

Comment s’est passée votre déportation ?

Le voyage dura trois jours et deux nuits. Nous étions serrés comme des sardines, nous ne pouvions que rester debout, la chaleur augmenta rapidement, ma langue devint sèche, nous n’avions ni nourriture, ni eau. Et ce qui avait été prévu pour nous humilier arriva : soumis à nos besoins naturels nous nous pissâmes dessus et une puanteur qui ne devait pas me quitter jusqu’à la sortie du camp s’installa. Ensuite la fatigue obligea les plus forts à se reposer sur les agonisants et les morts.

Quelles ont été vos conditions de vie au camp ?

Inhumaines. Humiliantes. Je n’étais plus Léon Lehrer, ni même un sale juif, mais 172 749, un morceau numéroté appartenant au III ème Reich, qui devait montrer son matricule pour avoir un liquide noir. J’avais faim, froid, peur, et vivais dans la puanteur.

Q’est-ce qui a été le plus dur pour vous dans le camp ?

Globalement les conditions de vie et personnellement la punition que j’ai reçue après avoir été surpris avec de la nourriture par un kapo. J’ai été attaché et j’ai reçu vingt-cinq coups de gourdins sur le dos puis cinq autres car je n’avais pas crié. Suite à ça, je suis resté une quinzaine de jours alité avec un cataplasme de pisse et de boue fait par mes camarades.

Q’est ce qui vous a permis de survivre ?

Un passage de Si c’est un homme de Primo Levi l' exprime bien :  « Il a compris […] que cette vie est une guerre, il ne s’est pas accordé aucune indulgence, il n’a pas perdu de temps en récriminations et doléances sur soi ni sur autrui. […] Il a pour lui l' intelligence et l' instinct. »

Vous aussi vous avez écrit un livre : Un Poublot à Pitchipoï, quand avez-vous décidé de le rédiger ?

Cinquante trois ans après ma sortie du camp, lorsqu’un incident m’a replongé dans le contexte de la punition que j’avais reçue au camp. J’ai quitté mon mutisme et enregistré mes souvenirs qui forment ce livre.

Qu’attendez-vous de votre témoignage auprès des lycéens ?

Je veux qu’ils comprennent l' ampleur du racisme et qu’ils le combattent quel qu’il soit.