chronologie

par Olivier Philipponnat


1847

Naissance à Odessa de Jonas Margoulis, surnommé Iona. Grand-père maternel d'Irène Némirovsky. « C'était le seul qui parlât parfaitement français. Il disait : "Ma petite file" en appuyant fortement sur la dernière syllabe ainsi transformée. »
(Journaux de travail, 1934 / IMEC)



1854

Naissance à Ekaterinoslav de Rosa Chtchedrovitch, dite « Bella », sa grand-mère maternelle. « Pauvre femme, petite, mince, fluette [.] un visage effacé comme une vieille photographie, les traits flous, jaunis, délayés dans les larmes. »
(Journaux de travail, 1934 / IMEC)

1868

1er septembre - Naissance de Leonid Borisovitch Némirovsky, surnommé « l’Arabe », comme Pouchkine, à cause de son teint : sa fille Irène Némirovsky héritera son hâle.



1875

Naissance d’Anna Margoulis, sa mère, qui se fera appeler Fanny ou Jeanne, à la française, et fera modifier son état civil pour se rajeunir de douze ans. « Je retrouve très bien l’image de ma mère. Comme c’est drôle que, jusqu’à présent, je ne puisse pas écrire ce mot sans haine. » (Journaux de travail, 1934 / IMEC).



1902

Mariage d’Anna Margoulis et Leonid Némirovsky.



1903

11 février - Naissance d’Irina Irma Némirovsky à Kiev, fille unique de Leonid Némirovsky et Anna Margoulis. Elle est surnommée « Irotchka », ou « Irinouchka ». Une gouvernante française d’une cinquantaine d’années, « Zézelle », sera chargée de son éducation : « Dans mon enfance, elle représentait le refuge, la lumière. […] Je n’aimais vraiment qu’elle au monde. » (Journaux de travail, 1934 / IMEC)

1905

17 octobre - Suite aux journées révolutionnaires, Nicolas II publie le Manifeste qui institue la Douma d’Empire et garantit l’égalité et les libertés civiles.
18 octobre - Pogroms antijuifs de Kiev et Odessa. Irina, une croix orthodoxe au cou, est cachée derrière un lit par la cuisinière Macha.
Jusqu’en 1914, nombreux séjours à Paris, dans les villes d’eaux (Vichy, Divonne, Plombières, Vittel), sur la Côte d’Azur (Cannes, Nice) et sur la Côte basque (Biarritz). Elle lit Guerre et Paix, le Mémorial de Saint-Hélène, Stendhal, Balzac, Maupassant. )



1911

Vêtue d’une réplique du costume de Sarah Bernhardt, elle récite la tirade de L’Aiglon de Rostand à la fête de charité du Home français de Kiev, devant le général-gouverneur Soukhomlinov.

1912

Mendel Beiliss, ouvrier juif de Kiev, est accusé du « meurtre rituel » d’un enfant chrétien. L’affaire déchaîne une vague d’antisémitisme en Russie.



1914

Installation des Némirovsky à Saint-Pétersbourg, capitale d’Empire. Leonid, devenu un banquier influent, se rapproche des milieux gouvernementaux.
1er août - L’Allemagne déclare la guerre à la Russie.
3 août - L’Allemagne déclare la guerre à la France.
18 août - Saint-Pétersbourg est rebaptisée Petrograd.

1917

Février - Journées révolutionnaires. Irina assiste à la grande manifestation des femmes (23 février), puis au simulacre d’exécution du dvornik Ivan, concierge de son immeuble.
Suicide de « Zézelle », par noyade dans les eaux de la Neva. « Je n’ai plus envie de l’appeler Zézelle, c’est trop sacré. Je verrai. Mademoiselle Rose, c’est bien aussi… » (Journaux de travail, 1934 / IMEC)
20 mars - Le gouvernement provisoire du prince Lvov abolit les « restrictions confessionnelles » imposées aux Juifs.
25 octobre - Putsch des bolcheviks. Les Némirovsky se sont installés à Moscou, dans un appartement sous-loué à un chevalier-garde. Irina lit Huysmans, Maupassant, Oscar Wilde, Platon.


1918

Janvier - Les Némirovsky gagnent en traîneau le village de Mustamäki (Iakovlevo), à la frontière finlandaise.
Avril - Fuyant les combats de la guerre civile, les Némirovsky gagnent la capitale finlandaise, Helsingfors. Irina lit Balzac, Dumas, Gautier et les auteurs français modernes.

1919

Mars - Les Némirovsky quittent Helsingfors pour la capitale suédoise, Stockholm.
Juillet - Arrivée à Rouen, en France, au terme d’une traversée de « dix jours sans escale, avec une effroyable tempête dont je dois m’être souvenue dans David Golder » (interview, Les Nouvelles littéraires, 11 janvier 1930) Les Némirovsky s’installent dans un appartement meublé, 115 rue de la Pompe. « J’avais déjà séjourné à Paris tout enfant. En y rentrant, j’ai trouvé les souvenirs qui m’attendaient. » (Entretien, Revue des deux mondes, 1936). Elle lit Proust, Larbaud, Chardonne, Maurois, Toulet, les frères Tharaud.



1920

Novembre - Les Némirovsky emménagent dans un hôtel particulier, 18 avenue du Président-Wilson. Elle s’inscrit à la Sorbonne en littérature russe, lit Merejkovski, Balmont et les poètes du Siècle d’Argent. Court les bals, les boîtes et les cabarets de Montmartre. « Je n’ai nullement méprisé les plaisirs de la jeunesse, j’ai beaucoup voyagé et… beaucoup dansé ! » (Entretien, Marianne, 13 février 1935)

1921

À la Sorbonne, Irène sympathise avec René Avot, fils d’un industriel du Pas-de-Calais, et avec sa sœur Madeleine. Virées en voiture au Touquet, à Deauville, Juan-les-Pins, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye. Premiers textes en français, une série d’« apophtegmes » consignés dans un calepin noir : « Si le bonheur n’existe pas, il y en a du moins une contrefaçon assez exacte ici-bas – créer. » (Carnet / IMEC)
1er août - Le « magazine gai » Fantasio publie un des quatre dialogues comiques écrits par Irène Némirovsky, « Nonoche chez l’extra-lucide » (inédit). Cette saynète est signée « Topsy », du surnom que lui a donné sa gouvernante anglaise Mrs Matthews. Septembre - Inscription à la Sorbonne en licence de lettres russes.



1922

Arrivée en France de ses grands-parents maternels.
Juillet - Obtient son certificat d’études pratiques supérieures en langue et littérature russes, avec mention.
28 octobre - Inscription en littérature comparée à la Sorbonne. Suit les cours de Fernand Baldensperger et Fortunat Strowski.

1923

Irène a vingt ans : « Elle semblait s’être arrêtée dans sa croissance et gardait à vingt ans un corps fragile et menu d’enfant. » (Papiers / IMEC)
Léon installe sa fille dans un meublé au 24, rue Boissière. Irène y a pour voisin l’académicien, poète et romancier Henri de Régnier (1864-1936) et y reçoit bruyamment ses amis.



1924

9 mai - Publication dans Le Matin de « La Niania », préfiguration des Mouches d’automne.
10 juillet - Obtient son certificat d’études supérieures en littérature comparée.
28 octobre - La France reconnaît officiellement l’URSS. Les exilés russes ont jusqu’à janvier 1925 pour réclamer la nationalité soviétique.
31 décembre - Rencontre Michel Epstein au réveillon du nouvel an.

1925

Mars - Obtient son certificat d’études supérieures de philologie russe, avec mention « très bien ».



1926

Février - Le Malentendu, son premier roman, paraît dans le mensuel Les Œuvres libres (Fayard) ; il raconte l’amour contrarié d’un employé de bureau et d’une riche oisive :
« Ah, l’amour est un sentiment de luxe, ma chérie… »

Élabore la première version de David Golder, récit de l’exil et de la réussite matérielle d’un couple d’émigrants judéo-russes, métaphore de son histoire familiale.
31 juillet - Mariage civil avec Michel Epstein à la mairie du XVIe arrondissement, précédé d’une cérémonie religieuse à la synagogue de la rue Théry (actuelle rue de Montevideo).



1927

Avril - L’Enfant génial, « grande nouvelle inédite », paraît dans Les Œuvres libres ; elle fait entendre l’« inconscient écho des tristes chants juifs, venus du fin fond des siècles comme un immense sanglot ».


1928

Juillet - L’Ennemie, son deuxième roman, paraît sous le pseudonyme de Pierre Nerey, anagramme d’Irène, dans Les Œuvres libres.

1929

Février - Le Bal, « nouvelle inédite » écrite « entre deux chapitres de David Golder », paraît sous le pseudonyme de Pierre Nerey dans Les Œuvres libres. Comme L’Ennemie, c’est le récit d’une vengeance, celle d’une fillette délaissée par sa mère, une parvenue.
Septembre - Adresse le manuscrit de David Golder à André Foucault, rédacteur en chef des Œuvres libres, qui exige des coupes.
Octobre - Bernard Grasset (1881-1955) passe des annonces dans la presse pour retrouver l’auteur de David Golder, qui lui a été adressé sous le nom d’Epstein. Il s’agit plus probablement d’un « coup » de publicité.
9 novembre - Naissance de Denise Epstein . Deux ou trois semaines après l’accouchement, Irène Némirovsky se présente aux éditions Grasset.
7 décembre - Les premiers exemplaires de David Golder sortent de presse. Bernard Grasset compare le roman au Père Goriot de Balzac et fait publier un communiqué : « Voici une œuvre qui, selon moi, doit aller très loin. »



1930

10 janvier - André Thérive, dans Le Temps, donne le diapason de la critique : « On n’en saurait douter, David Golder est un chef-d’œuvre. » Le roman rencontre un succès flamboyant. André Maurois compare son auteur à Proust, et Gaston de Pawlowski, à Tolstoï. Henri de Régnier salue « un talent très sûr » (Le Figaro, 28 janvier). Gaston Chérau et Roland Dorgelès parrainent la candidature d’Irène Némirovsky à la Société des gens de lettres.
Février-mars - La presse de droite veut croire que David Golder est un pamphlet :
« Seule, une Juive pouvait écrire sur la folie juive de l’or un réquisitoire aussi terrible et aussi clairvoyant. » (André Billy, La Femme de France) Une partie de la presse
« israélite » fustige David Golder, figure du « Juif pour antisémites » (Pierre Paraf, L’Illustration juive). Irène Némirovsky, qui reconnaît avoir écrit une satire sociale, se défendra toujours de toute généralisation : « Les bourgeois du Marais songent-ils à s’identifier avec les gens du “milieu” de Francis Carco ? Pourquoi donc les israélites français veulent-ils se retrouver dans David Golder ? La disproportion est la même. » (Interview, L’Univers israélite, 5 juillet 1935)
Août - Grasset republie Le Bal, nouvelle qu’il présente comme le nouveau roman d’Irène Némirovsky. La critique est déçue par sa minceur et par la perversité de son héroïne. Paul Reboux salue tout de même un « joyau » et annonce l’avènement d’une nouvelle Colette (Paris-Soir, 13 août).
Octobre - Julien Duvivier tourne l’adaptation de David Golder, son premier film parlant. Le rôle-titre est tenu par Harry Baur. Irène Némirovsky décide d’ajourner sa requête de naturalisation française, de crainte qu’elle ne lui facilite l’attribution du prix Goncourt et n’entache la sincérité de sa démarche.



1931

14 janvier - Mort de Iona Margoulis, qui sera enterré au carré juif du Père-Lachaise.
6 mars - Première mondaine du « grand film parlé » de Duvivier, à l’Élysée Gaumont, sur les Champs-Élysées, en présence de nombreuses personnalités : Colette, Maurice Ravel, Paul Morand, etc.
Mai - Les Mouches d’automne, ou la Femme d’autrefois paraît chez l’éditeur Simon Kra, dans la collection « Femmes ». Ce récit nostalgique de l’émigration russe est un hommage intime à « Zézelle ».
Juillet - « Film parlé », première tentative d’écriture scénaristique, paraît dans Les Œuvres libres.
11 septembre - Projection au Gaumont-Palace du film chantant Le Bal, adapté par Wilhelm Thiele. Le film révèle une comédienne débutante, âgée de treize ans, Danielle Darrieux.
Décembre - Grasset reprend Les Mouches d’automne, ainsi salué par Robert Brasillach : « Mme Nemirovski a fait passer l’immense mélancolie russe sous une forme française […]. On lira et on gardera ce livre dont la poésie est si émouvante et si vraie. » (Action française, 7 janvier)



1932

18 mai - Mort de Rosa Margoulis, devenue presque aveugle.
Juin - Le scénario « La Comédie bourgeoise » paraît dans Les Œuvres libres.
16 septembre - Mort de Léon Némirovsky, à Nice, d’une crise d’hémoptysie. Il est inhumé au cimetière de Belleville. Octobre - Achève la rédaction de L’Affaire Courilof, roman « terroriste » entrepris durant l’été: « Quel abattoir une révolution ! Est-ce que cela vaut la peine ?…
Décembre - Entreprend un nouveau roman, Le Pion sur l’échiquier, chronique d’un suicide et parabole sociologique sur la « malédiction du travail ». Le 30, L’Affaire Courilof paraît en feuilleton dans Les Annales politiques et littéraires.

1933

30 janvier - Adolf Hitler est nommé chancelier d’Allemagne.
Mai -L’Affaire Courilof, dédié à Michel Epstein, paraît en volume chez Grasset. L’auteur reconnaît s’être inspirée de souvenirs personnels et de témoignages sur la période prérévolutionnaire, notamment Ma vie de Trotsky.
« Un déjeuner en septembre » (Revue de Paris), le « chef-d’œuvre » d’Irène Némirovsky, « aussi parfait qu’une nouvelle de Tchekhov » selon Robert Brasillach (Action française, 30 mai 1934).
Septembre - Ébauche le plan de l’« autobiographie mal déguisée » que sera Le Vin de solitude, provisoirement intitulé « La Famille Kern ». « Un véritable passé palpitant et saignant, cela ne vaut-il pas toutes les imaginations ? »
(Journaux de travail, 1934 / IMEC)
24 octobre - Signe un contrat d’exclusivité pour vingt ans chez Albin Michel (1873-1943), à raison de 4 000 francs mensuels.
8 décembre - « Nativité », transposition d’un souvenir de Mustamäki, paraît dans Gringoire, hebdomadaire politique et littéraire dirigé par Horace de Carbuccia
(1891-1975) et tiré à 250 000 exemplaires.



1934

Janvier-mars - Critique dramatique pour le quotidien Aujourd’hui, elle est fortement impressionnée par Les Races de Ferdinand Brückner, au Théâtre de l’Œuvre, chronique de l’antisémitisme autrichien qui « révèle un état d’esprit terriblement inquiétant pour les voisins d’un peuple où le sadisme, l’orgueil et la cruauté sont ainsi glorifiés » (10 mars).
6 février - Émeutes antiparlementaires place de la Concorde, suite à
« l’affaire Stavisky ».
Mai - Sortie du Pion sur l’échiquier (Albin Michel). « Je continue à peindre la société que je connais le mieux et qui se compose de gens désaxés, sortis du milieu, du pays où ils eussent normalement vécu […]. »
30 mai - Robert Brasillach démolit Le Pion sur l’échiquier : « Toute l’adresse de l’écrivain ne parvient pas à masquer le vide du sujet et du livre. […] Peut-être l’auteur de David Golder ne devrait-elle pas écrire de romans. » (Action française) Irène Némirovsky se sent « désemparée, sans courage, sans espoir, malheureuse au possible » (Journaux de travail, 1934 / IMEC)
3 juillet - Départ en vacances à Urrugne, puis à Hendaye. Rédaction du Vin de solitude.

1935

Janvier - Relecture des épreuves du Vin de solitude, « qui sera de la lignée du Bal » (entretien, Marianne, 13 février 1935).
Février - « Ida », « Film parlé », « Les Fumées du vin » et « La Comédie bourgeoise » sont repris en un volume de la collection « Renaissance de la nouvelle » (Gallimard) dirigée par le diplomate et romancier Paul Morand (1888-1976), sous le titre Films parlés. La critique n’est pas convaincue par ces essais d’écriture scénaristique.
Février-mai - Chronique la littérature anglaise, américaine et soviétique dans La Revue hebdomadaire (Plon). Forte impression à la lecture des Quarante jours du Mussa Dagh de Franz Werfel, chronique du génocide arménien.
5 juillet - Dans une interview donnée à L’Univers israélite, Irène Némirovsky reconnaît ses torts (« Il est tout à fait certain que s’il y avait eu Hitler, j’eusse grandement adouci David Golder ») et se défend : « Chaque fois que j’en ai eu l’occasion, j’ai clamé que j’étais juive, je l’ai même proclamé ! Je suis beaucoup trop fière de l’être pour avoir jamais songé à le renier. »
Août - Le Vin de solitude sort en volume chez Albin Michel. « Ce roman-ci est un de ceux que l’on écrit dans sa tête et dans son cœur bien avant de les écrire sur le papier […]. » (Sequana, août 1935)
30 septembre - Denise Epstein acquiert la nationalité française.
2 octobre - Jézabel, esquissé en 1934, paraît en feuilleton dans l’hebdomadaire Marianne. Portrait d’« un monstre » qui refuse de vieillir et d’avoir une descendance, c’est aussi le procès de Fanny Némirovsky : « Vieille, vieille femme, comme je vous déteste ! »
Novembre - Nouvelles démarches en vue d’obtenir la naturalisation française, avec l’appui de René Doumic, directeur de la Revue des Deux Mondes.



1936

André Sabatier quitte Grasset et devient l’éditeur attitré d’Irène Némirovsky chez Albin Michel, ainsi que l’un de ses plus fidèles amis. Gringoire lui offre 50 000 francs pour la publication en feuilleton de son prochain livre, La Proie, roman d’apprentissage et satire de la corruption politique.
Mars - L’Allemagne réoccupe la Rhénanie.
Mai - Sortie de Jézabel chez Albin Michel. « Une femme a tué. Pourquoi ? » (bande).
5 juin - Après la victoire du Front populaire, le socialiste Léon Blum est nommé président du Conseil. À l’Assemblée nationale, Xavier Vallat s’exclame : « Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un Juif ! »
Été - Vacances à Urrugne. Irène Némirovsky entend les tirs de mitrailleuses au-delà de la frontière espagnole. Composition de La Proie.
Septembre - Préface Le facteur sonne toujours deux fois, de James Cain (Gallimard) :
« Ici, pas de préparations, pas de digressions, pas un instant de répit. Des faits. “Facts.”»
Automne - Le nom d’Irène Némirovsky apparaît dans une brochure antisémite anonyme, intitulée Voici les vrais maîtres de la France – plus de 800 noms, sous la rubrique « écrivains », parmi ceux d’André Maurois, Benjamin Crémieux, Julien Benda, Edmond Fleg, Pierre Paraf, André Spire, Joseph Kessel.
31 octobre - René Doumic refuse de publier « Fraternité », au motif que cette nouvelle serait « antisémite ». Son personnage principal, un Juif français cultivé et raffiné, issu de la grande bourgeoisie, y prend brutalement conscience de son identité et du péril qui le menace. « En somme, je démontre l’inassimilabilité. […] Je sais que c’est vrai. » (Journaux de travail, 1936 / IMEC)

1937

5 février - « Fraternité » paraît dans Gringoire, dont les éditoriaux politiques prêtent désormais à l’antisémitisme, mais aux pages littéraires duquel elle continue de contribuer.
20 mars - Naissance d’une deuxième fille, prénommée Élisabeth, comme sa grand-mère paternelle décédée quelques semaines plus tôt, et Léone, en souvenir de son grand-père maternel.
Été - Vacances à La Ferté-Allais. Composition de Deux, roman envisagé dès 1934 :
« c’est l’histoire de deux êtres, de nature folle, mauvaise, instable, que la vie, l’amour, le mariage perfectionnent. » (Journaux de travail, 1934 / IMEC)
6 décembre - Retrouve son carnet de jeune fille, dans lequel elle consigne ses projets d’écrivain, notamment trois portraits de Juifs : Blum, Stavisky et Trotsky. Blum est pour elle le type du tribun malgré lui, l’homme « dont la vie n’est pas d’accord avec son tempérament » (Journaux de travail, 1938 / IMEC).


1938

12 mars - L’Allemagne nazie annexe l’Autriche (Anschluss). « Quel étrange temps nous vivons… La guerre, logiquement, semble tout près. » (Journaux de travail, 1938 / IMEC)
Printemps - Sortie de La Proie (Albin Michel). « Un Julien Sorel de temps de crise » (publicité).
Avril - Ébauche du Charlatan, récit de l’ascension d’un médecin immigré devenu escroc par nécessité. Elle y travaille jusqu’en août.
21-24 avril - Premier séjour connu à l’Hôtel des voyageurs, à Issy-l’Évêque, aux confins de la Nièvre et de la Saône-et-Loire.
4 juin - « J’ai réduit au minimum ma vie mondaine. Je passe presque toutes mes soirées chez moi à lire et à réfléchir. » (Les Nouvelles littéraires)
25 juin - Dans son journal de travail, elle mentionne ses difficultés financières : « Des jours d’angoisse, de cette angoisse que donne l’argent, quand on n’en a pas et que cependant on sait que l’on peut en gagner. Une rancune amère contre la vie. » (IMEC) Son compte d’auteur est débiteur de 65 000 francs.
Été - Vacances à Hendaye. Lit Katherine Mansfield. « On étouffe à la maison ; on étouffe dans le sable. Pas envie de travailler, et, en même temps cette obscure inquiétude… » (Journaux de travail, 1938 / IMEC)
Entreprend un nouveau roman, Enfants de la nuit, « l’histoire d’une famille de juifs russes – oui, toujours ! – où il y ait un fils qui devienne Stav[isky] »
(Journaux de travail, 1938 / IMEC).
5 août - « Nous avons été heureux », première des ses « nouvelles alimentaires », paraît dans Marie-Claire, magazine féminin dirigé par Hélène Gordon-Lazareff, la sœur de son amie Mila.
19 août - « Espoirs » (Gringoire), portraits de deux émigrés russes vivotant à Paris :
« Ah, heureux Français ! si calmes, si heureux !… »
30 septembre - La France, le Royaume-Uni,, l’Italie et l’Allemagne signent les accords de Munich.
9 novembre - En Allemagne, la « Nuit de Cristal » marque une brutale escalade de l’antisémitisme
12 novembre - En France, un décret-loi limite l’accession des étrangers à la nationalité française et durcit la situation des « indésirables ».
23 novembre - Les Epstein déposent une nouvelle demande de naturalisation auprès de la préfecture de police. Malgré des recommandations prestigieuses, cette demande n’aboutira pas.
Décembre - Irène et Michel Epstein entreprennent des démarches en vue de leur conversion au catholicisme. Le 21, conseillée par l’abbé Roger Bréchard qu’elle a rencontré en Auvergne, elle écrit à Mgr Vladimir Ghika (1873-1954), évêque roumain familier des milieux littéraires parisiens, serviteur des pauvres de la « zone rouge » de Villejuif.

1939

4 janvier -15 mars - Donne une série de six conférences à Radio Paris, sur le thème des « Grandes romancières étrangères ».
24 janvier - Intuition du titre définitif d’Enfants de la nuit : « Les chiens et les loups pris entre les ténèbres et les flammes de l’enfer. » (Journaux de travail, 1939 / IMEC)
2 février - Irène, Michel et leurs deux filles sont baptisés par Mgr Ghika à la chapelle de l’abbaye Sainte-Marie à Paris, avec l’abbé Bréchard pour parrain.
17 février - Dans Je suis partout, Robert Brasillach appelle à priver de la nationalité française « tout Juif, demi-Juif, quart de Juif ».
Mars - Michel est gravement malade, une pneumonie manque l’emporter. Sortie en librairie de Deux, « le premier roman d’amour d’Irène Némirovsky » (publicité), son meilleur succès de vente depuis David Golder.
15 mars - Les troupes allemandes pénètrent en Tchécoslovaquie et occupent la région des Sudètes.
Avril - Écrit pour la Radiodiffusion d’État une dramatique intitulée « Femmes de Paris, femmes de lettres . »
21 avril - Le décret-loi Marchandeau sanctionne les propos racistes et antisémites.
18 mai - 24 août - Publication en feuilleton dans Gringoire du Charlatan, roman d’immigration rebaptisé Les Échelles du Levant. « Oui, vous tous, qui me méprisez, riches Français, heureux Français, ce que je voulais, c’était votre culture, votre morale, vos vertus, tout ce qui est plus haut que moi, différent de moi, différent de la boue où je suis né ! »
23 août - Signature du pacte de non-agression germano-soviétique. À Hendaye, les Epstein savourent les dernières heures de la paix.
28 août - Albin Michel adresse à Irène Némirovsky une lettre de recommandation
« auprès des autorités et de la presse » : « Nous vivons en ce moment des heures angoissantes qui peuvent devenir tragiques du jour au lendemain. Or, vous êtes russe et israélite, et […] j’ai pensé que mon témoignage d’éditeur pourrait vous être utile. »
1er septembre - Les troupes allemandes envahissent la Pologne. Jean Vignaud tente de relancer la procédure de naturalisation des époux Epstein, en vain.
3 septembre - La France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne. Par précaution, Denise et Élisabeth sont envoyées à Issy-l’Évêque chez Mme Mitaine, la mère de Cécile Michaud, nourrice.
Jusqu’en mai 1940, Irène Némirovsky multiplie les allers-retours entre Paris et Issy.
Octobre-décembre - Donne à la radio des conférences exaltant le courage des Français. Ainsi, en novembre, une dramatique intitulée « Emilie Plater », évocation du destin de « cette jeune Polonaise qui combattit héroïquement, en 1831, pour la liberté de son pays ».
11 octobre - Les Chiens et les Loups commence à paraître en feuilleton dans Candide, hebdomadaire des éditions Fayard tirant à plus de 400 000 exemplaires .
Entreprend une Vie de Tchekhov qui paraîtra en 1946 chez Albin Michel.



1940

1er janvier - « Aïno » (Revue des Deux Mondes), nouvelle composée de souvenirs de la guerre civile finlandaise (1918).
1er février - Dans « Le Sortilège » (Gringoire), la narratrice, prénommée Irène, évoque des souvenirs d’enfance dans une datcha des faubourgs de Kiev. Début mars - Séjour à Issy-l’Évêque.
Entreprend un nouveau roman, Jeunes et Vieux, chronique d’une famille française, de la Première Guerre mondiale jusqu’à la Seconde. « En somme, ma fille, tu veux faire ta petite Guerre et Paix ! » (Journaux de travail, 1940 / IMEC)
Parution de Les Chiens et les Loups. « Ce roman est une histoire de Juifs. Je précise : non pas de Juifs français, mais de Juifs venus de l’Est, d’Ukraine ou de Pologne. […] Je pense que certains Juifs se reconnaîtront dans mes personnages. Peut-être m’en voudront-ils ? Mais je sais que je dis la vérité ». Ce roman sera très peu commenté par la presse.
10 mai - Offensive des troupes allemandes sur le front occidental. Début de la « bataille de France ». Irène Némirovsky part s’installer à Issy-l’Évêque.
10 juin - Michel, très affaibli, abandonne son poste à la Banque des Pays du Nord pour gagner Orléans.
14 juin - Les troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. À Issy-l’Évêque, Irène Némirovsky est témoin de l’Exode massif des Français vers le sud du pays.
21 juin - Arrivée des soldats allemands à Issy-l’Évêque.
22 juin - Le maréchal Philippe Pétain, nouveau président du Conseil, signe un armistice avec l’Allemagne. Une ligne de démarcation séparera la
« zone non occupée » (sud) de la « zone occupée » (nord), où se trouve Issy-l’Évêque.
25 juin - Discours radiodiffusé du maréchal Pétain : « Un ordre nouveau commence. » 1er juillet - Réouverture des éditions Albin Michel, sous la direction de Robert Esménard, gendre de l’éditeur.
10 juillet - Une loi constitutionnelle abolit la République, institue l’« État français » et confie tous les pouvoirs au maréchal Pétain, dont le gouvernement est installé à Vichy (Allier).
Mi-août - Michel Epstein est radié de sa banque pour abandon de poste.
27 août - Abrogation du décret-loi Marchandeau, qui sanctionnait la diffamation raciale par voie de presse.
13 septembre - Inquiète des mesures annoncées contre les apatrides, Irène Némirovsky écrit à Pétain : « Je ne puis croire, Monsieur le Maréchal, que l’on ne fasse aucune distinction entre les indésirables et les étrangers honorables qui, s’ils sont reçu de la France une hospitalité royale, ont conscience d’avoir fait tous leurs efforts pour la mériter. »
3 octobre -
Publication du « Statut des Juifs », qui sont exclus de la fonction publique, de la presse, du spectacle, de l’enseignement, et sont susceptibles d’être internés dans des « camps spéciaux ».
4 octobre - Irène Némirovsky ne figure pas sur la « liste Otto » mentionnant les auteurs interdits. Esménard envisage la publication de La Vie de Tchekhov.
7 octobre - Irène et Michel Epstein se font recenser comme Juifs à la sous-préfecture d’Autun.
8 octobre - Jean Fayard rompt le contrat qui l’engageait à publier Jeunes et Vieux dans Candide, sous le titre définitif Les Biens de ce monde.
22 octobre - Apprend la mort de l’abbé Bréchard, le 20 juin, dans les Vosges, d’une balle en pleine tête. Il inspirera le personnage de Philippe Péricand dans Suite française.
24 octobre - Pétain rencontre Hitler à Montoire. Début de la politique de collaboration avec l’Allemagne.
29 octobre - Elle se résout à publier sous pseudonyme. « Par moments, angoisse insupportable. Sensation de cauchemar. Ne crois pas à la réalité. Espoir ténu et absurde. » (Journaux de travail, 1940 / IMEC)
Novembre - Envisage d’écrire un roman sur la Débâcle et l’Exode de juin 1940, provisoirement intitulé Panique, ou Tempête, sur le modèle de La Mousson (The Rains Came) de Louis Bromfield (1937). « Que ce serait amusant ! Du train où vont les choses, ce serait des œuvres posthumes, mais enfin. »
(Journaux de travail, 1940 / IMEC)
Relit Tolstoï, Pouchkine et Lord Byron.
Décembre - Les nouvelles « La Peur » et « Les Cartes », signées « C. Michaud », sont refusées par l’hebdomadaire Aujourd’hui.
5 décembre - « Destinées » paraît sous le pseudonyme de Pierre Nérey dans Gringoire, devenu ouvertement pétainiste et antisémite. Elle s’y sent « comme une dentellière au milieu des sauvages » (Journaux de travail, 1940 / IMEC).
11 décembre - Retour de Syrie d’André Sabatier, qui convainc Robert Esménard de poursuivre le versement des avances mensuelles d’Irène Némirovsky en 1941, malgré le débit de son compte d’auteur.

1941

Mars - Publication du Journal à rebours de Colette (Fayard). « Si c’est tout ce qu’elle a pu tirer de Juin, je suis tranquille. » (Journaux de travail, 1941 / IMEC)
29 mars - Création d’un Commissariat aux questions juives, confié à Xavier Vallat.
10 avril-20 juin - Les Biens de ce monde, « roman inédit par une jeune femme », paraît en feuilleton dans Gringoire. 26 avril - Gel des comptes bancaires des Juifs.
2 juin - Publication d’un second « Statut des Juifs », plus restrictif, précisant la liste des métiers proscrits.
22 juin - Déclenchement de l’opération Barbarossa : l’armée allemande pénètre en Union soviétique. Craignant d’être arrêtée, Irène Némirovsky appelle à son service Julie Dumot, afin qu’elle s’occupe de Denise et « Babet » et lui serve de prête-nom. Elle dépose chez le notaire, à son intention, une lettre-testament lui donnant pouvoir de tutelle et l’autorisant en « toute dernière extrémité » à publier « un roman que je n’aurai peut-être pas le temps de terminer et qui s’appelle Tempête en juin ».
28 juin - Départ des troupes d’occupation stationnées à Issy-l’Évêque. « Je plains ces pauvres enfants. Mais je ne puis pardonner aux individus, ceux qui me repoussent, ceux qui froidement nous laissent tomber… » (Journaux de travail, 1941 / IMEC)
Entreprend une deuxième rédaction de Tempête en juin et ébauche Dolce, chronique de l’occupation d’Issy-l’Évêque et critique de l’« esprit de la ruche », c’est-à-dire du nationalisme ou « destin communautaire ». Parallèlement, elle entreprend un court roman, Chaleur du sang (Denoël, 2006), une parabole sur les âges de la vie située dans le pays d’Issy-l’Évêque.
8 août - « L’Inconnu », « nouvelle écrite par une jeune femme », paraît dans Gringoire. Dans cette fable pacifiste, le soldat allemand s’appelle Hohmann, comme le lieutenant dont Michel était devenu l’ami.
5 septembre - « Les Revenants » (Gringoire), sous le pseudonyme de Pierre Nérey :
« Que nous sommes drôlement faits, tout de même ! Notre faible mémoire ne garde que la trace du bonheur, si profondément marquée parfois que l’on dirait une blessure.»
19 septembre - Chute de Kiev. En Ukraine, les Einsatzgruppen procèdent au massacre massif et systématique des populations juives.
11 novembre - Installation des Epstein et de Julie Dumot dans une maison de location pourvue d’un potager et d’un verger. Elle y entreprend un nouveau roman dans la veine des Biens de ce monde, mais plus pessimiste : Les Feux de l’automne, une chronique de l’entre-deux-guerres qui paraîtra en 1957 chez Albin Michel.
1er décembre - En prévision d’un séjour à Paris, elle récupère ses manuscrits déposés chez le notaire d’Issy, parmi lesquels ceux de David Golder.
17 décembre - Julie Dumot signe chez Albin Michel un contrat d’auteur pour deux romans d’Irène Némirovsky, dont Les Biens de ce monde, qui paraîtra en 1947.
Noël - Denise et Élisabeth passent les vacances à Cézac, dans les Landes, avec Julie.



1942

Février - Deux et Les Chiens et les Loups sont réimprimés « par autorisation spéciale ». Robert Esménard annonce les épreuves de La Vie de Tchekhov. Elle écrit à la Kreiskommandantur d’Autun pour solliciter l’autorisation d’un séjour à Paris, afin de voir son éditeur. Bernard Grasset lui refusant tout soutien, elle sollicite également l’appui d’Hélène Morand.
27 février - « L’Incendie », dernière nouvelle à paraître dans Gringoire, sous le pseudonyme de Pierre Nérey. Hector de Carbuccia ne publiera pas Tempête en juin, dont elle espérait 50 000 francs. Son compte d’auteur chez Albin Michel est débiteur de 120 000 francs. Michel Epstein cesse de payer son loyer parisien.
Mars - Relisant ses notes d’avril 1940 relatives à la composition des Biens de ce monde, elle est interloquée de voir qu’elle éprouvait alors une « tendresse sincère et un peu moqueuse » pour les Français. Prenant soin de la dater, elle ajoute au-dessus cette mention : « haine et mépris = mars 1942 » (Journaux de travail, 1942 / IMEC).
En marge de Dolce, elle consigne ses notes « sur l’État de la France » : « Mon Dieu ! que me fait ce pays ? Puisqu’il me rejette, considérons-le froidement, regardons-le perdre son honneur et sa vie. » Premières ébauches de Captivité (ou Servage), troisième volet de la « série des Tempêtes » :
« Moi, je travaille sur de la lave brûlante. »
(Notes sur Captivité)
16 avril - Le président Pierre Laval, écarté en décembre 1940, est rappelé au pouvoir. 24 avril - « Il faut faire une suite de Tempête, Dolce, Captivité. » Le sujet de cette Suite française sera la « lutte entre le destin individuel et le destin communautaire ».
(« Notes sur l’état de la France »).
4 mai - Dans une lettre à André Sabatier, elle considère Suite française comme
« l’œuvre principale de sa vie ».
17 mai - Elle presse Sabatier de publier Les Feux de l’automne. L’attitude réticente d’Horace de Carbuccia met un comble à son « état d’amertume, de lassitude, de dégoût » (lettre à Sabatier / IMEC).
29 mai - Ordonnance faisant obligation aux Juifs de porter une étoile de tissu jaune. Seule Élisabeth, âgée de moins de six ans, ne la portera pas. « Maman m’a dit que j’étais juive, le jour où nous avons été obligés de porter l’étoile jaune. » (Denise Epstein)
17 juin - Dix-sept des vingt-deux chapitres de Dolce sont achevés. Elle imagine le destin de ses personnages dans Captivité, puis dans les deux volumes suivants, Batailles et La Paix, qui verraient le « triomphe du destin individuel ». Le tout composant « un gros volume de mille pages » (« Notes sur l’état de la France »).
1er juillet - À Paris, Theodor Dannecker et Adolf Eichmann planifient le prochain départ de six premiers convois de mille Juifs de France vers Auschwitz.
8 juillet - Une seconde « liste Otto » fait obligation de retirer de la vente « tous les livres d’auteurs juifs ». Une ordonnance allemande interdit aux Juifs la fréquentation des salles de spectacle et de tous lieux publics.
11 juillet - « J’ai beaucoup écrit ces derniers temps. Je suppose que ce seront des œuvres posthumes, mais cela fait toujours passer le temps »
(lettre à A. Sabatier / IMEC).
13 juillet - Irène Némirovsky est arrêtée en matinée à son domicile d’Issy-l’Évêque et emmenée à la gendarmerie de Toulon-sur-Arroux, au motif d’une « mesure générale contre les Juifs apatrides de 16 à 45 ans ».
15 juillet - Arrivée au camp d’internement de Pithiviers, dans le Loiret. Publication dans l’hebdomadaire maréchaliste Présent de son ultime nouvelle, « Les Vierges », sous le pseudonyme de Denise Mérande : « Regardez-moi. Je suis seule comme vous à présent, mais non pas d’une solitude choisie, recherchée, mais de la pire solitude, humiliée, amère, celle de l’abandon, de la trahison. »
16-17 juillet - À Paris, plus de treize mille Juifs sont raflés et rassemblés au Vélodrome d’Hiver pour être déportés. Parmi eux, Paul Epstein, frère de Michel.
17 juillet - Départ, à 6 h 15, du convoi n° 6 de Pithiviers pour Auschwitz, composé de 809 hommes et 119 femmes.
19 juillet - Arrivée du convoi n° 6 à Auschwitz-Birkenau, vers 19 heures.
27 juillet - Désespérant d’Hélène Morand et du secrétaire d’État Jacques Benoist-Méchin, Michel rédige une lettre pour Otto Abetz, ambassadeur du Reich, plaidant la cause de sa femme. André Sabatier ne la transmettra pas.
9 août - Michel apprend que les internés de Pithiviers ont été acheminés « vers l’Est – Pologne ou Russie probablement ».
12 août - Sabatier écrit à Michel Epstein : « Hélas ! j’ai fait tout ce que je pouvais. »
19 août - Irène Némirovsky décède du typhus, à 15 h 20 selon les douteuses précisions du certificat d’Auschwitz, qui mentionne une « grippe ».
8 octobre - Michel Epstein délègue à Julie toute autorité sur ses filles et écrit à Madeleine Avot-Cabour : « N’abandonnez pas les petites si un malheur leur arrive. »
9 octobre - Michel est arrêté et conduit à la préfecture d’Autun. Il confie à Denise et Élisabeth, épargnées, la valise contenant Suite française (Denoël, 2004). Puis il est conduit à la prison du Creusot et transféré ultérieurement au camp de transit de Drancy, en région parisienne.
Fin octobre - Deux gendarmes et un milicien se présentent à l’école d’Issy pour arrêter Denise et Élisabeth, qui doivent s’enfuir à Bordeaux avec Julie Dumot.
6 novembre - Départ du convoi n° 42 de Drancy pour Auschwitz. Tous ses occupants seront gazés à leur arrivée ; parmi eux, Michel Epstein.

1943

Denise et Élisabeth sont cachées sous de faux noms dans un pensionnat catholique, puis, à partir de février 1944, chez des particuliers.
23 février - La nouvelle « Un beau mariage », retournée en décembre 1941 par Gringoire, est publiée dans Présent, sous le nom de Denise Mérande.
10 mai - Le nom d’Irène Némirovsky, qui ne figurait pas sur les deux premières listes
« Otto » des « ouvrages littéraires français non désirables », apparaît dans la liste des 739 « écrivains juifs de langue française » publiée en annexe de la troisième liste.



1944

24 août - Libération de Paris.

1945

Janvier - « Libération » du camp d’Auschwitz par les Soviétiques.
Février - Le ministère des Réfugiés ne peut obtenir aucune information sur le sort des écrivains Robert Desnos, Benjamin Crémieux, Irène Némirovsky…
7 mai - L’armistice est signé à Reims. Retour progressif des déportés. Un conseil de famille, constitué de la Banque des Pays du Nord, de la Société des gens de lettres et d’Albin Michel pourvoit à la scolarité et à l’éducation des filles d’Irène Némirovsky, jusqu’à leur majorité. Élisabeth est placée chez les Avot, Denise dans un pensionnat catholique.

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