Hommage à Walter Spitzer, rescapé de la Shoah, décédé le 13 avril 2021

Walter Spizer travaille sur le personnage de la petite fille du futur monument dédié à la rafle du Vel d’hiv, 1994
Mémorial de la Shoah/coll. Spitzer

Le peintre et sculpteur Walter Spitzer, rescapé de la Shoah, est décédé le 13 avril 2021.

Né le 14 juin 1927 à Cieszyn, ville polonaise à la frontière avec la Tchécoslovaquie, Walter Spitzer dessine dès l’âge de quatre ans. Son père est fabricant de liqueur et sa mère est employée des chemins de fer.

Dès l’invasion de la Pologne, le 1er septembre 1939, débute la persécution des Juifs. Les Juifs de Cieszyn vont être déplacés vers le ghetto de Strzemieszyce, où ils subissent violence et humiliations. Walter doit travailler, d’abord chez un photographe, puis dans une usine en tant que soudeur.

Lors d’une rafle en juin 1943, son demi-frère, sa sœur et son neveu sont exécutés. Il apprendra plus tard que sa mère a aussi été tuée. Son père est décédé en 1940 de maladie. Walter est quant à lui envoyé dans le vaste complexe de travail forcé de Blechhammer en Haute-Silésie, rattaché au camp d’Auschwitz-III en avril 1944. Affecté dans un kommando de construction, il est ensuite transféré dans un bureau grâce à ses talents de dessinateur qui lui permettent d’améliorer son quotidien en troquant ses croquis, réalisés avec des papiers et du charbon de récupération. En 2005, il expliquera : « Je n’ai jamais pensé que les dessins que je faisais dans les camps étaient un acte de résistance. Je dessinais, tout simplement. » Il noue dans ce camp une amitié indéfectible avec Jules Fainzang, Polonais comme lui mais déporté de France, de cinq ans son aîné.

Devant l’avancée des troupes soviétiques, Blechhammer est évacué en janvier 1945. Walter et Jules rejoignent avec leurs camarades le camp de Gross-Rosen puis le camp de Buchenwald où ils sont enregistrés le 10 février 1945. Walter est protégé par l’organisation clandestine de Résistance qui le fait passer dans le « Grand camp » et il est enregistré comme électricien. En échange, ils l’engagent à témoigner par le dessin des épreuves subies, une fois la liberté retrouvée.

A nouveau évacué début avril, il parvient à s’évader avec Jules aux alentours de Iéna et tous deux sont pris en charge par les troupes américaines.

Orphelin désormais, Walter décide de suivre son ami Jules en France. Ilentame des études à l’École des Beaux-Arts de Paris. Faute d’avoir pu ramener de déportation ses dessins, il les reproduit de mémoire. Il conçoit une œuvre composite et remarquée. Il illustre notamment les œuvres de Malraux, Sartre ou Kessel. Il est lauréat du concours pour la réalisation du monument à Paris en hommage aux victimes de la rafle du Vel d’Hiv, inauguré en juillet 1994 par le président de la République François Mitterrand.

Il est l’auteur en 2004 d’un livre de souvenirs Sauvé par le dessin aux éditions Favre, préfacé par le Prix Nobel de la paix Elie Wiesel.

Walter Spitzer est chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’Ordre national du Mérite et chevalier des Arts et des Lettres.

Le monument commémoratif de la Rafle du Vélodrome d’Hiver réalisé par Walter Spitzer, quai de Grenelle, Paris (15ème arrondissement). France, 1994

Le Mémorial de la Shoah adresse à son épouse et à ses enfants ses sincères condoléances et salue la mémoire de l’un des grands artistes de la mémoire de la Shoah.

 

Témoignage de Walter Spitzer, 2005

Crédit : Mémorial de la Shoah