Le sens des mots

Dans le cadre de ses missions éducatives, le Mémorial de la Shoah entreprend une série intitulée « le sens des mots ». Plus que jamais, il est important de comprendre que les mots ont un sens et une définition précise. Le Mémorial de la Shoah se doit d’insister sur l’importance du sens des mots, de leur utilisation et usage.

 

Un camp de concentration, c’est…

  • un lieu d’enfermement
  • un lieu de travail forcé
  • un lieu où les conditions de vie sont très difficiles et peuvent entraîner la mort : en France, 40% des déportés politiques ne sont pas revenus des camps nazis.

Pourquoi ça existe ?

Historiquement, les camps de concentration ont vocation à “rééduquer” par le travail des personnes réfractaires à l’idéologie totalitaire du régime (opposants politiques, résistants, etc.). Dans les faits, ce sont des lieux de répression pourvoyeurs d’une main d’œuvre gratuite.

Et aujourd’hui, qu’en est-il ?

Plusieurs chercheurs et ONG considèrent, par exemple, que les conditions d’internement de centaines de milliers de Ouïghours au Xinjiang (Chine) présentent un caractère concentrationnaire.

Un camp de concentration n’est pas…

Simplement une prison. Dans un camp de concentration, sont, généralement, enfermés des opposants politiques, qui n’ont pas eu droit à un procès équitable. Les détenus ne bénéficient pas des droits communs d’un justiciable (principe du contradictoire, présomption d’innocence, etc.).

Un camp d’internement. Dans un camp d’internement sont rassemblées des personnes définies comme “indésirables”, placées à l’écart du reste de la société et mises sous surveillance.

Un centre de mise à mort, parfois appelé camp d’extermination par le grand public. Un centre de mise à mort a pour objectif de perpétrer un meurtre de masse.

Un crime contre l’humanité, c’est…

une notion juridique qui désigne des actes commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute une population civile. Ces actes peuvent être : le meurtre, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation, l’emprisonnement, la torture, les formes graves de violence sexuelle, la persécution, etc.
un crime imprescriptible
 

Depuis quand cette notion est-elle utilisée en droit ?

La notion de crime contre l’humanité a été définie pour la première fois en 1945 par le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg. Cette première définition a été plusieurs fois modifiée et élargie, notamment en 1998 lors de la création de la Cour pénale internationale.

16 des 24 responsables nazis jugés par le Tribunal militaire international de Nuremberg sont alors reconnus coupables de crime contre l’humanité.

Et aujourd’hui, qu’en est-il ?

Le Statut de Rome de 1998 créant la Cour pénale internationale représente le consensus le plus récent et exhaustif de la communauté internationale sur cette question. En France, le crime contre l’humanité entre dans la loi en 1964. Une loi de 1994 le définit précisément dans le droit français en prenant en compte la jurisprudence (procès Barbie en 1987 et Touvier en 1994).

 

Un crime contre l’humanité n’est pas…

Synonyme de génocide. Le génocide ne désigne que des faits d’extermination intentionnels et systématiques de personnes liées à la nationalité, l’ethnie, la race ou la religion. Le champ d’application du crime contre l’humanité est beaucoup plus vaste et peut concerner une diversité d’actes : arrestations arbitraires, esclavage, persécutions, etc.

Si on me dit : “un crime contre l’humanité est aussi un crime de guerre.”

Je réponds : Non, à l’inverse d’un crime de guerre, le crime contre l’humanité n’est pas nécessairement lié à un conflit armé. Un acte commis en temps de paix peut donc être considéré comme un crime contre l’humanité.

 

Un génocide, c’est…

Une notion juridique définie en 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Selon cette convention, “le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
  1. meurtre de membres du groupe ;
  2. atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
  3. soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
  4. mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
  5. transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.”
Quand et comment le terme « génocide » est-il apparu ?
Le terme apparaît sous la plume du juriste juif polonais Raphael Lemkin dans son livre Axis Rule in Occupied Europe en 1943.
Déjà marqué par les assassinats de masse des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale, il souhaite forger un néologisme, composé du grec genos pour « race » et du suffixe latin cide signifiant « tuer », pour décrire les politiques nazies de meurtre systématique.

Et aujourd’hui, qu’en est-il ?

La Convention de 1948 est aujourd’hui ratifiée par 153 États. Une partie d’entre eux a intégré le crime de génocide à leur droit interne, comme la France en 1994. Depuis 1948, deux juridictions spéciales internationales constituées sous l’égide de l’ONU ont prononcé des condamnations pour crime de génocide : le Tribunal pénal international pour le Rwanda (1994-2015) et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (1993-2017). Depuis 1998, la Cour pénale internationale est la seule cour internationale permanente ayant compétence pour poursuivre les responsables de crime de génocide.

Tout meurtre de masse n’est pas…

Un génocide : la définition retenue par la Convention de 1948 s’appuie sur des critères spécifiques quant à la nature du groupe-cible. Les massacres commis sur des critères politiques et sociaux sont ainsi exclus de cette définition juridique.

Si on me dit : “Contester à un meurtre de masse la qualification de génocide revient à en réduire la gravité.”

Je réponds : Non. Le terme « génocide » est une notion juridique fondée sur des critères précis et qui ne recouvre pas de dimension morale. Si, dans les faits, ce terme ayant acquis une forte portée symbolique est abusivement utilisé afin de marquer les esprits, les motivations qui ont conduit à sa création n’étaient pas de créer une hiérarchie entre les crimes, mais d’établir la spécificité de certains crimes dans le domaine du droit.

Pour aller plus loin…

 

 

Le Mémorial propose « Histoire(s) en série », une websérie de 4 épisodes à destination des enseignants et des élèves. Construite sur un format court, elle s’appuie sur des documents d’archives, des témoignages et une mise en perspective proposée par des experts.

 

Le négationnisme, c’est…

Au sens strict, la négation de l’existence de la Shoah ; au sens large, la négation d’autres génocides et d’autres crimes contre l’humanité.
Vis-à-vis de la Shoah, les négationnistes prétendent que les Juifs l’aurait inventée dans le but de culpabiliser les Occidentaux afin de permettre la création de l’État d’Israël et d’étendre leur influence sur le monde.
Quand et comment le terme « négationnisme » est-il apparu ?
Dans les années 1970 et 1980, les discours négationnistes gagnent en audience, en particulier dans certains milieux universitaires (affaire Faurisson débutée en 1978) et politiques (affaire du « détail » de Jean-Marie Le Pen, 1987). Relayés dans la presse, ces discours deviennent audibles.
À la fin des années 1980, l’historien Henry Rousso propose alors le terme « négationnisme » pour remplacer celui de « révisionnisme », qu’il juge insuffisant et dévoyé par des personnalités comme Robert Faurisson dans le but de donner une apparence scientifique à leurs discours.
Et aujourd’hui, qu’en est-il ?
En France, la modification de la loi sur la presse de 1881 surnommée « loi Gayssot » dispose depuis 1990 que « Seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ceux qui auront contesté […] l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du Tribunal militaire international annexé à l’Accord de Londres du 8 août 1945 […]. »
En 2007, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution condamnant la négation de la Shoah.
Depuis 2017, l’objet du délit n’est plus limité aux crimes de l’Allemagne nazie : il a été étendu à d’autres génocides et crimes contre l’humanité.
Le négationnisme, ce n’est pas…
Une réinterprétation de faits historiques, comme tentent de le faire croire certains négationnistes. Comme le souligne Henry Rousso, le négationnisme relève d’un         « système de pensée, d’une idéologie et non d’une démarche scientifique ou même simplement critique ».